S. m. (Marine) ce nom ne se donne qu'à ceux qui entreprennent des voyages de long cours ; et même entre ceux-ci il semble particulièrement consacré à des hommes éclairés, courageux et hardis, qui ont fait par mer de nouvelles découvertes importantes de lieux et de pays.

Personne n'ignore que la mer est devenue par la navigation le lien de la société de tous les peuples de la terre, et que c'est par elle que se répandent en tous lieux les commodités et l'abondance. On se tourmenterait vainement à chercher quel fut le premier navigateur, il suffit de savoir qu'on doit le trouver parmi les premiers hommes. La navigation sur les rivières doit avoir été presque aussi ancienne que le monde. La nature aida les hommes à découvrir cet art si nécessaire. Après avoir Ve flotter des arbres et des solives, ils en joignirent plusieurs pour passer des rivières. Après avoir Ve des coupes et des tasses de bois, ils donnèrent quelques creux à des pièces de charpente liées ensemble, pour aller plus surement sur l'eau. Le temps, le travail et l'industrie perfectionnèrent peu-à-peu ces sortes de maisons flottantes ; on hasarda de se mettre dedans pour passer des bras de mer ; ainsi l'on vit aux radeaux succéder des barques taillées par l'avant et par l'arrière, et finalement d'autres espèces de vaisseaux et de galeres, qui reçurent aussi peu-à-peu de nouvelles perfections.

Les Phéniciens avides de s'enrichir, et plus curieux encore à mesure qu'ils s'enrichirent, saisirent promptement ces différentes inventions : et comme ils ne pouvaient reculer par terre les bornes de leurs états, ils songèrent à se former sur la mer un nouvel empire, dont ils ne furent redevables qu'à leur industrie et à leur hardiesse. Il fallait avoir infiniment de l'un et de l'autre pour tenter au milieu des abîmes un chemin sans trace, et où il est aussi périlleux d'avancer que de reculer. Cependant Strabon remarque que ces peuples peu d'années après la guerre de Troie se hasardèrent à passer les colonnes d'Hercule et à braver le terrible Océan. Enfin ce sont les premiers qui aient osé perdre de vue leur patrie, pour entreprendre des voyages de long cours. Mais comme je ne fais point ici l'histoire importante de la navigation, je passe tout-d'un-saut à celle des Européens, qui nous ont découvert de nouvelles parties du monde inconnues à l'antiquité.

Ce fut dans le royaume de Portugal que s'éleva au commencement du XV. siècle, et malgré toute l'ignorance de ces temps-là, cet esprit de découverte si glorieux pour toutes les nations, si profitable pour le commerce, et qui depuis environ 260 ans a jeté des richesses immenses dans l'Europe, et a porté ses forces maritimes à un si haut point, qu'on la regarde avec raison comme la maîtresse de la plus grande partie de notre globe.

Il est vrai que les premiers essais des Portugais ne furent que des voyages fort courts qu'ils firent le long des côtes du grand continent de l'Afrique. Devenus bientôt plus hardis et plus expérimentés sur mer, le succès de leurs entreprises les anima à en essayer d'autres. Ils navigèrent les premiers d'entre les nations sur l'Océan atlantique. Ils découvrirent en 1419 l'île de Madere, en 1448 les îles des Açores, en 1499 les îles du Cap-verd, et en 1486 le cap de Bonne-Espérance, ainsi nommé de l'espérance qu'ils concevaient avec raison par cette découverte de trouver de ce côté un passage aux Indes. Mais c'est à un seul homme, à l'infant dom Henri, que les Portugais furent surtout redevables de leurs vastes entreprises contre lesquelles ils murmurèrent d'abord. Il ne s'est rien fait de si grand dans le monde, dit M. de Voltaire, que ce qui se fit par le génie et la fermeté d'un homme qui lutte contre les préjugés de la multitude.

Gama (Vasco de) est le navigateur portugais qui eut le plus de part aux grandes choses de cette nation. Il découvrit les Indes orientales par le cap de Bonne-Espérance, et s'y rendit pour la première fois en 1497. Il y retourna en 1502, et revint à Lisbonne avec treize vaisseaux chargés de richesses. Il fut nommé, comme il le méritait, viceroi des Indes portugaises par le roi Jean III. et mourut à Cochin en 1525. Dom Etienne et dom Christophe de Gama ses fils lui succédèrent dans sa viceroyauté, et sont célèbres dans l'histoire.

Magalhaens (Ferdinand), que les François nomment Magellan, compatriote de Gama, a rendu pareillement sa mémoire immortelle par la découverte qu'il fit l'an 1520 du détroit qui de son nom est appelé Magellanique. Ce fut cependant sous les auspices de Charles-Quint, vers lequel il s'était retiré, qu'il fit cette découverte : piqué contre son roi qui lui avait refusé une légère augmentation de ses appointements, Magellan partit de Séville l'an 1519 avec cinq vaisseaux, passa le détroit Magellanique jusqu'alors inconnu, et alla par la mer du sud jusqu'aux îles de Los-Ladrones (les Philippines) où il mourut bientôt après, les uns disent de poison, les autres disent dans un combat. Un de ses vaisseaux arriva le 8 Septembre 1522 dans le port de Séville sous la conduite de Jean-Sébastien Catto, après avoir fait pour la première fois le tour de la terre.

Un troisième navigateur portugais, dont je ne dois point taire le nom, est Mendès Pinto (Ferdinand), né à Monté-Mor-O-Velho, qui s'embarqua pour les Indes en 1537, dans le dessein de relever sa naissance par le secours de la fortune. Il y fut témoin pendant 20 ans des plus grands événements qui arrivèrent dans ce pays, et revint en Portugal en 1558, après avoir été treize fois esclave, vendu seize fais, et avoir essuyé un grand nombre de naufrages. Ses voyages écrits en portugais et traduits en français sont intéressants.

Les bruits que firent dans le monde le succès des merveilleuses entreprises des Portugais, éveilla Christophe Colomb, génois, homme d'un grand savoir et d'un génie du premier ordre ; il imagina une méthode encore plus sure et plus noble de poursuivre glorieusement les mêmes desseins de découverte. Il eut une infinité de difficultés à combattre, et telles qu'elles auraient rebuté tout autre que lui. Il les surmonta à la fin, et il entreprit à l'âge de 50 ans cette heureuse et singulière expédition, à laquelle on doit la découverte de l'Amérique.

Ferdinand et Isabelle qui régnaient en Espagne, goutant faiblement son projet, ne lui accordèrent que trois vaisseaux. Il partit du port de Palos en Andalousie le 11 Octobre 1492, et aborda la même année à Guanahani, l'une des Lucayes. Les insulaires, à la vue de ces trois gros bâtiments, se sauvèrent sur les montagnes, et on ne put prendre que peu d'habitants auxquels Colomb donna du pain, du vin, des confitures et quelques bijoux. Ce traitement humain fit revenir les naturels de leur frayeur, et le cacique du pays permit par reconnaissance à Colomb de bâtir un fort de bois sur le bord de la mer : mais la jalousie, cette passion des âmes basses, excita contre lui les plus violentes persécutions. Il revint en Espagne chargé de fers, et traité comme un criminel d'état. Il est vrai que la reine de Castille avertie de son retour lui rendit la liberté, le combla d'honneur, et déposa le gouverneur d'Hispaniola qui s'était porté contre lui à ces affreuses extrémités. Il fut si sensible à la mort de cette princesse, qu'il ne lui survécut pas longtemps ; il ordonna tranquillement ses obséques, et les fers qu'il avait portés furent placés dans son cercueil. Ce grand homme finit sa carrière à Valladolid en 1506 à 64 ans.

Les Espagnols dû.ent à cet illustre étranger et à Vespucci (Americo) florentin, la découverte de la partie du monde qui porte le nom de ce dernier, au lieu que la nation portugaise ne doit qu'à elle seule le passage du cap de Bonne-Espérance.

Vespuce était un homme de génie, patient, courageux et entreprenant. Après avoir été élevé dans le commerce, il eut occasion de voyager en Espagne, et s'embarqua en qualité de marchand en 1497 sur la petite flotte d'Ojeda, que Ferdinand et Isabelle envoyaient dans le Nouveau-monde. Il découvrit le premier la terre-ferme qui est au-delà de la ligne ; et par un honneur que n'ont pu obtenir tous les rois du monde, il donna son nom à ces grands pays des Indes occidentales, non-seulement à la partie septentrionale ou méxiquaine, mais encore à la méridionale ou péruane, qui ne fut découverte qu'en 1525 par Pizaro. Un an après ce premier voyage, il en fit en chef un second, commanda six vaisseaux, pénétra jusques sur la côte de Guayane et de Venezuela, et revint à Séville.

Eprouvant à son retour peu de reconnaissance de toutes ses peines, il se rendit auprès d'Emmanuel, roi de Portugal, qui lui donna trois vaisseaux pour entreprendre un troisième voyage aux Indes. C'est ainsi qu'il partit de Lisbonne le 13 Mai de l'an 1501, parcourut la côte d'Angola, passa le long de celle du Brésil qu'il découvrit toute entière jusques par-delà la rivière de la Plata, d'où il revint à Lisbonne le 7 Septembre de l'an 1502.

Il en repartit l'année suivante avec le commandement de six vaisseaux, et dans le dessein de découvrir un passage pour aller par l'occident dans les Moluques, il fut à la baie de tous les Saints jusqu'à la rivière de Curabado. Enfin manquant de provisions, il arriva en Portugal le 18 Juin de l'an 1504, où il fut reçu avec d'autant plus de joie qu'il y apporta quantité de bois de Brésil et d'autres marchandises précieuses. Ce fut alors qu'Américo Vespucci écrivit une relation de ses quatre voyages, qu'il dédia à René II. duc de Lorraine. Il mourut en 1509, comblé de gloire et d'honneurs.

Pizaro (Français), né en Espagne, découvrit le Pérou en 1525, se joignit à dom Diégo Almagro ; et après avoir conquis cette vaste région, ils y exercèrent des cruautés inouies sur les Indiens ; mais s'étant divisés pour le partage du butin, Ferdinand frère de Pizaro tua Almagro, et un fils de celui-ci tua François Pizaro.

Pour ce qui regarde Cortès (Fernand) qui conquit le Mexique, et qui y exerça tant de ravages, j'en ai déjà fait mention à l'article de MEDELLIN sa patrie.

Les navigateurs, dont on a parlé jusqu'ici, ne sont pas les seuls dont la mémoire soit célèbre ; les Hollandais en ont produit d'illustres, qui, soutenus des forces de la nation lorsqu'elle rachetait sa liberté, ont établi son empire au cap, dans l'île de Java, et ont servi à conquérir les îles Moluques sur les Portugais mêmes. On sait aussi que Jacques le Maire étant parti du Texel avec deux vaisseaux, découvrit en 1616, vers la pointe méridionale de l'Amérique, le détroit qui porte son nom. La relation détaillée de son voyage est imprimée.

Mais la grande Bretagne s'est encore plus éminemment distinguée par les actions hardies de ses illustres navigateurs ; et ce pays continue toujours de faire éclore dans son sein les premiers hommes de mer qu'il y ait au monde.

Bien des gens savent que Christophe Colomb avait proposé son entreprise de l'Amérique par son frère Barthelemi à Henri VII. roi d'Angleterre. Ce prince lui avait tout accordé, mais Colomb ne le sut qu'après avoir fait sa découverte ; et il n'était plus temps pour les Anglais d'en profiter : cependant le penchant que le roi avait montré pour encourager les entreprises de cette nature ne fut pas tout à fait sans effet. Jean Cabot, Venitien et habîle marin, qui avait demeuré pendant quelques années à Londres, saisit cette occasion. Il offrit ses services pour la découverte d'un passage aux Indes du côté du nord-ouest. Il obtint des lettres-patentes datées de la onzième année du règne d'Henri VII. qui l'autorisaient à découvrir des pays inconnus, à les conquérir et à s'y établir, sans parler de plusieurs autres privilèges qui lui furent accordés, à cette condition seule qu'il reviendrait avec son vaisseau dans le port de Bristol.

Il fit voîle de ce port au printemps de l'année suivante 1497 avec un vaisseau de guerre et trois ou quatre petits navires frettés par des marchands de cette ville, et chargés de toutes sortes d'habillements, en cas de quelque découverte. Le 24 Juin, à 5 heures du matin, il aperçut la terre, qu'il appela par cette raison Prima-Vista, ce qui faisait partie de Terre-neuve. Il trouva en arrière une île plus petite, à laquelle il donna le nom de S. Jean ; et il ramena avec lui trois sauvages, et une cargaison qui rendit un bon profit. Il fut fait chevalier et largement récompensé. Comme il monta en ce voyage jusqu'à la hauteur du cap Floride, on lui attribue la première découverte de l'Amérique septentrionale ; c'est du-moins sur ce fait que les rois de la grande Bretagne fondent leur prétention sur la souveraineté de ce pays, qu'ils ont depuis soutenue si efficacement pour leur gloire et pour les intérêts de la nation. C'est ainsi qu'il parait que les Anglais doivent l'origine de leurs plantations et de leur commerce en Amérique à un simple plan de la découverte du passage du nord-ouest aux Indes.

Mais il faut parler de quelques-uns de leurs propres navigateurs. Il y en a quatre surtout, qui sont célèbres, Drake, Rawleigh, Forbisher et le lord Anson.

Drake (Français), l'un des plus grands hommes de mer de son siècle, né proche de Tavistock en Devonshire, fut mis par son père en apprentissage auprès d'un maître de navire, qui lui laissa son vaisseau en mourant. Drake le vendit en 1567 pour servir sur la flotte du capitaine Hawkins en Amérique. Il partit en 1577 pour faire le tour du monde qu'il acheva en trois ans, et ramena plusieurs vaisseaux espagnols richement chargés. Il se signala par un grand nombre d'autres belles actions, fut fait chevalier, vice-amiral d'Angleterre, prit sur l'Espagne plusieurs villes en Amérique, et mourut sur mer en allant à Porto-belo le 28 Janvier 1596.

Forbisher (Martin), natif de Yorckshire, n'est guère moins fameux. Il fut chargé en 1576, par la reine Elisabeth, d'aller à la découverte d'un détroit qu'on croyait être entre les mers du nord et du Sud, et qui devait servir à passer par le nord de l'occident en orient ; il trouva en effet un détroit dans le 63 degré de latitude, et on appela ce détroit Forbisher Streight. Les habitants de ce lieu avaient la couleur basanée, des cheveux noirs, le visage aplati, le nez écrasé, et pour vêtement des peaux de veaux marins. Le froid ayant empêché Forbisher d'aller plus avant, il revint en Angleterre rendre compte de sa découverte. Il tenta deux ans après le même voyage, et éprouva les mêmes obstacles des montagnes de glace et de neige : mais sa valeur intrépide en différents combats contre les Espagnols le fit créer chevalier en 1588. Il mourut à Plimouth d'un coup de mousquet qu'il reçut en 1594 au siege du fort de Grodon en Bretagne, que les Espagnols occupaient alors.

Rawleigh (Walter) naquit en Devonshire d'une famille ancienne, et devint par son mérite amiral d'Angleterre ; ses actions, ses ouvrages et sa mort tragique ont immortalisé son nom dans l'histoire.

Doué des grâces de la figure, du talent de la parole, d'un esprit supérieur, et d'un courage intrépide, il eut la plus grande part aux expéditions de mer du règne de la reine Elisabeth. Il introduisit la première colonie anglaise dans Mocosa en Amérique, et donna à ce pays le nom de Virginie en l'honneur de la reine sa souveraine. Elle le choisit en 1592 pour commander une flotte de quinze vaisseaux de guerre, afin d'agir contre les Espagnols en Amérique, et il leur enleva une caraque estimée deux millions de livres sterlings. En 1595, il fit une descente dans l'île de la Trinité, emmena prisonnier le gouverneur du pays, brula Comona dans la nouvelle Andalousie, et rapporta de son voyage quelques statues d'or, dont il fit présent à sa souveraine. En 1597, il partit avec la flotte commandée par le comte d'Essex pour enlever les galions d'Espagne ; mais le comte d'Essex, jaloux de Rawleigh, lui ordonna de l'attendre à l'île de Fayal ; il le fit et s'en empara.

Après le couronnement de Jacques I. en 1603, il fut envoyé à la tour de Londres sur des accusations qu'on lui intenta d'avoir eu dessein d'établir sur le trône Arbelle Stuard, dame issue du sang royal. Il composa pendant sa prison, qui dura treize ans, son histoire du monde, dont la première partie parut en 1614. Ayant obtenu sa liberté en 1616, il se mit en mer avec douze vaisseaux pour attaquer les Espagnols sur les côtes de la Guyane ; mais son entreprise n'ayant pas réussi, il fut condamné à mort à la poursuite de l'ambassadeur d'Espagne, qui pouvait tout sur l'esprit faible de Jacques I. Rawleigh eut la tête tranchée dans la place de Westminster le 29 Octobre 1618, âgé de 76 ans.

Anson (George), aujourd'hui le lord Anson, fut en 1739 déclaré commodore ou chef d'escadre, pour faire avec cinq vaisseaux une irruption dans le Pérou par la mer du sud ; il cotoya le pays inculte des Patagons, entra dans le détroit de le Maire, et franchit plus de cent degrés de latitude en moins de cinq mois. Sa petite frégate de huit canons, nommée, le Triat, l'épreuve, fut le premier navire de cette espèce qui osa doubler le cap Horn : elle s'empara depuis dans la mer du sud d'un bâtiment espagnol de 600 tonneaux, dont l'équipage ne pouvait comprendre comment il avait été pris par une barque venue de Londres dans l'Océan pacifique.

En doublant le cap Horn, des tempêtes extraordinaires dispersèrent les vaisseaux de George Anson, et le scorbut fit périr la moitié de l'équipage. Cependant s'étant reposé dans l'île déserte de Fernandez, il avança jusque vers la ligne équinoxiale, et prit la ville de Paita ; mais n'ayant plus que deux vaisseaux, il réduisit ses entreprises à tâcher de se saisir du galion immense, que le Méxique envoie tous les ans dans les mers de la Chine à l'île de Manille.

Pour cet effet, George Anson traversa l'Océan pacifique et tous les climats opposés à l'Afrique entre notre tropique et l'équateur. Le scorbut n'abandonna point l'équipage sur ces mers, et l'un des vaisseaux du commodore faisant eau de tous côtés, il se vit obligé de le bruler au milieu de la mer ; n'ayant plus de toute son escadre qu'un seul vaisseau délabré, nommé le Centurion, et ne portant que des malades, il relâche dans l'île de Tinian, à Macao, pour radouber ce seul vaisseau qui lui reste.

A peine l'eut-il mis en état, qu'il découvre le 9 Juin 1743 le vaisseau espagnol tant désiré ; alors il l'attaque avec des forces plus que de moitié inférieures, mais ses manœuvres savantes lui donnèrent la victoire. Il entre vainqueur dans Canton avec cette riche proie, refusant en même temps de payer à l'empereur de la Chine des impôts que doivent tous les navires étrangers ; il prétendait qu'un vaisseau de guerre n'en devait pas : sa conduite ferme en imposa : le gouverneur de Canton lui donna une audience, à laquelle il fut conduit à travers deux haies de soldats au nombre de dix mille. Au sortir de cette audience, il mit à la voîle pour retourner dans sa patrie par les îles de la Sonde et par le cap de Bonne-Espérance. Ayant ainsi fait le tour du monde en victorieux, il aborde en Angleterre le 4 Juin 1744, après un voyage de trois ans et demi.

Arrivé dans sa patrie, il fit porter à Londres en triomphe sur 32 chariots, au son des tambours et des trompettes, et aux acclamations de la multitude, les richesses qu'il avait conquises. Ses différentes prises se montaient en or et en argent à dix millions monnaie de France, qui furent le prix du commodore, de ses officiers, des matelots et des soldats, sans que le roi entrât en partage du fruit de leurs fatigues et de leur valeur. Il fit plus, il créa Georges Anson pair de la grande Bretagne, et dans la nouvelle guerre contre la France il l'a nommé chef de l'amirauté. C'est dans ce haut poste, récompense de son mérite, qu'il dirige encore les expéditions, la gloire et les succès des forces navales d'Angleterre. (D.J.)